George Carl Johan Antheil est né, comme Kurt Weill en 1900, mais à trenton New Jersey, quoique ses parents, épiciers, aient émigré d’allemangne.
Aux européens il se présentait en général comme polonais d’origine. Sa célébrité première est due au productur Mike Hanson qui l’engagea en 1922 en remplacement de Léo Ornstein, pour une tournée européenne consacrée à l’œuvre pour piano de Chopin. Elève de Bloch en composition, Antheil, en tant que pianiste, avait un jeu percussif et aride, tant qu’il se blessa à multiples reprises en frappant les claviers. Après un concert agité à Budapest, il prit l’habitude de ne jouer en public qu’en posant son automatique sur le piano, afin de parer à toute éventualité de débordement de ses auditeurs horrifiés.
On se souvient aussi de lui pour une célèbre photo de 1923 le montrant en train de regagner son studio au premier étage de la Shakespeare Library, à Paris, en escaladant la façade.
C’était un de ces phénomènes comme on en connaît aujourd’hui encore qui montent sur les pianos et accompagnent leur récitals de musique de chambre à grand renfort de percussion (sa deuxième sonate pour violon comporte une importante partie de tambour et timbale).
Mais Antheil n’était pas qu’un opportuniste du scandale : ce fut véritablement un aventurier de la création artistique et l’un des premiers animateurs de l’avant-garde des années 20, avant que Paris, perdant ses russes et ses américains ne retrouve le paysage gris d’un conformiste post-cubiste. Il était le familier de Stravinsky, Joyce, Ezra Pound, Gertrude Stein, Picasso, Man Ray. On voit dans un film de Marcel Lherbier ce dernier giffler un détracteur de la musique d’Antheil.
En 1923, fraichement marié à une jeune juive hongroise, Antheil commence la composition du Ballet Mécanique : ce projet dont il se dira plus tard à l’origine est peut-être avant tout l’idée d’un producteur de cinéma puisque la musique en question est destinée à accompagner le seul film réalisé par Fernand Léger.
Mais lorsqu’Antheil livre la partition, elle dure une trentaine de minute alors que le film n’en fait que 16 : de plus les techniques de l’époque ne permettent pas l’enregistrement et encore moins la synchronisation sonore. Quant à le jouer en live, la partition requiert 4 piano, 8 pianistes, des instruments mécaniques, timbres, sirènes, des moteurs et hélices d’avion, au minimum une dizaine de percusionistes, tous incapables d’atteindre les tempi ahurissants que requièrent les images. Il y aura une version révisée en 1953 et Antheil accompagnera lui-même certaines performances au Met Museum dans la transcription pour deux pianos…
le "personnage" principal du film de Léger
En 1924, le film et la musique commencent donc des carrières séparées, l’un présenté à Berlin, projeté à des très nombreuses reprises avant d’être perdu, puis reconstitué pour glaner au hasard des années 40 un prix à Cannes, retrouvé enfin trente ans après la mort d’Antheil dans sa version d’origine.
Le Ballet mécanique connaît une première mémorable à Paris, un scandale aussi épouvantable que celui du sacre, avec fuite de spectateurs, bagarres et insultes, mais des critiques relativement amènes. L’auteur s’en fiche, la même année il disparaît en Afrique, et pendant près de trois ans personne n’a de nouvelles de lui, jusqu’à ce qu’il réapparaisse à Berlin où il s’installe jusqu’à l’accession d’Hitler au pouvoir. Il est déjà à l’époque un des protégés de Marie Louise Curtis-Bok, mais, contrairement à d’autres (Barber, Menotti, Rota), payé au lance-pierre, et finalement plutôt désavoué par les puissances de l’argent.
La création du Ballet à Carneghie Hall en 1927 provoque plutôt des rires que de l’indignation, et contribue au fait que ses compatriotes ne considéreront jamais Antheil comme un musicien sérieux. Il faut dire qu’il se montre un touche-à-tout insaisissable, spécialiste d’endoctrinologie et diplomé de criminologie, il écrit aussi le courrier du cœur du Chicago Tribune. Peu avant la guerre, il dépose un brevet, partagé avec l’actrice Eddie Lamarr concernant un système de direction et de masquage des torpilles qui anticipe de près de 40 ans les systèmes de communication sans fil et les protocoles TCP-IP. Il améliore aussi les systèmes de reproduction sonore, comme un second Charles Cros, mais jamais il ne tirera un sou de ses inventions, les américains le considérant comme un compositeur de musique de film de seconde zone. Il est aussi l’auteur d’un pamphlet sur « ce que sera la guerre » qui aurait pu alerter nos amis d’outre-atlantique sur la solution finale et d’autres réalités prises pour d’aimables vues d’anticipation par ses contemporains.
Il s’est pourtant considérablement calmé pour se plier au conformisme américain, ce qui ne l’empêche pas de donner une série de 8 symphonies, caractérisées par une orchestration riche et un don de mélodiste puissant. Lorsqu’il meurt d’un arrêt cardiaque en 1959, les critiques parlent souvent de lui comme d’un « Chostakovitch américain ». Il n’a pas hélas le même retentissement post-mortem, et la comparaison ne vaut que pour le mot en retour qui lui fait parler de Chostakovitch comme de son « clone » soviétique.
Il existe pour une fois un site en français (dispo aussi en néerlandais et en anglais)
http://www.paristransatlantic.com/antheil/mainpage/francais.html
Antheil est assez bien documenté sur internet pour un compositeur dont on n'entend jamais rien
http://www.antheil.org/mainframe.html
la page du Ballet mécanique